Indemnités COVID-19 et marché public (avis du Conseil d’État)

Dans un article précédent, nous avons examiné brièvement la proposition de loi limitant l’application de l’article 38/9 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 établissant les règles générales d’exécution des marchés publics dans le cadre de la crise du COVID-19 a été déposée à la chambre des représentants.

Le 25 août 2020, le Conseil d’État a rendu son avis sur cette proposition.

Concernant la rétroactivité de la loi

Comme le rappelle le Conseil d’état : « La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l’insécurité juridique ».

Dans le cadre de la proposition de loi, les arguments pour justifier la rétroactivité peuvent être résumés comme suit :

  • des motifs d’intérêt général et d’équité faisant appel à la solidarité entre les parties contractantes afin qu’elles supportent chacune leur propre préjudice
  • des mesures ont déjà été prises afin de compenser les effets de la crise du COVID-19 en général ( (régime de chômage temporaire, “hinderpremie” (prime pour perte de chiffres d’affaires en cas de fermeture obligatoire de l’entreprise…)

Le Conseil d’état estime que les arguments servant à justifier la rétroactivité de la loi posent question : « Il ne semble en tout cas pas évident d’admettre qu’il pourra suffire d’invoquer des motifs financiers pour légitimer une entrée en vigueur rétroactive ».

Et précise : « il est incertain qu’un tel effet rétroactif puisse être justifié à l’égard de la limitation de l’étendue de l’indemnisation à laquelle peuvent prétendre les adjudicataires sur la base de l’article 38/9 de l’arrêté royal du 14 janvier 2013, comme le préconise la proposition de loi ».

Sur le plan strictement juridique, cette rétroactivité nous paraît également problématique.

Quant au principe d’égalité et à l’interdiction de discrimination

Sur ce point, le Conseil d’État émet deux critiques sur la proposition :

  • l’absence de possibilité d’adaptation pour « l’estimation des dommages en fonction de l’ampleur concrète des dommages subis et d’éventuels autres postes de dépenses que celles qui ont été spécifiquement exposées pour des mesures hygiéniques et sanitaires visant à protéger le personnel ou des tiers »;
  • l’absence d’application de cette proposition aux marchés soumis à une version antérieure de l’arrêté royal du 14 janvier 2013 qui ne contenait pas encore d’article 38/9. Il s’agit principalement des marchés publiés entre le 1er juillet 2013 et le 29 juin 2017.

Cela semble évident.

Nous verrons toutefois si cet avis est suivi par les parlementaires.

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